PLAY Paris Powered by PAX : la traversée d’un désert
De l’indépendant, de l’eSport, des tournois, du jeu de plateau, du jeu de rôle, du retrogaming, des jeux musicaux, l’offre était variée pour cette première édition estampillée PAX . Pour ceux qui ne le savent pas, PAX représente ce qui se fait de mieux en dehors de la France en termes de salons jeux vidéo et plus encore. Autant vous dire qu’on était chauds pour découvrir cette formule. Et si le soleil était fortement au rendez-vous, les allées vides et l’absence évidente de public nous ont bien vite refroidis.
16 février 2018 : la France est au courant, « Le nouveau festival de l’univers PAX débarque à Paris ! ». C’est le titre de l’aguicheur communiqué nous annonçant la venue de ce salon à la Grande Halle de la Villette. Tout se joue sur la date : 21 et 22 avril , il faut déjà prendre l’hôtel, prévoir les billets de train et donc, miser sur un salon dont on ne sait rien si ce n’est qu’il est plus ou moins estampillé PAX. On se lance, on y croit, ça va être génial ou au moins sympathique de défendre ce « petit » salon.
Et puis on devient vite curieux et inquiets : pas de programme fixe trois semaines avant la date fatidique, des conférences aux invités précisés assez tard, une liste incomplète de jeux indépendants pas forcément novateurs… Le risque de n’y trouver aucune originalité est grand, mais on mise sur le potentiel d’un show « minimaliste » qui se concentre sur ce qu’il a à présenter. Coté eSport et Tournois cependant, c’est la folie ! Starcraft, Street Fighter mais aussi Dissidia et autres surprises sont au rendez-vous, donnant une direction assez originale, pas forcément celle qu’on attendait mais voilà qui donne au moins de l’intérêt à ce salon. Encore une fois, cela donne envie d’y croire et de se dire que les organisateurs savent ce qu’ils font, où ils vont et sous quelle forme.
« Nous sommes très heureux du lancement de ce nouvel événement à Paris , le fer de lance de notre nouvelle marque PLAY Powered by PAX ! PAX représente le festival qui a toujours placé la communauté en premier, en mettant en avant les joueurs, les créateurs et les éditeurs de jeu. Ça va être extraordinaire de voir un tel show en France ! » a déclaré Guy Blomberg , Global PAX Content Director chez ReedPOP, à l’annonce du salon.
Mr. Blomberg sera ravis d’apprendre que de sa phrase n’est finalement vraie que pour une seule catégorie de gens dans cette PLAY Paris PAX : les joueurs. Ceux qui étaient très absents du salon, paradoxalement. Impossible de trouver beaucoup de créateurs et éditeurs contents de leur venue : des stands sans décoration ou si peu s’affichent surtout vides de tout joueur venu découvrir leurs jeux. Si le jeu vidéo (indépendant ou non, car les bornes Nintendo et Sony étaient assez vides également) fut touché par cette absence de public, le jeu de société et de plateau en a encore davantage subit les conséquences : la plupart des titres se jouant à plusieurs, il fut quasiment impossible de tenter une partie et découvrir un concept si on ne venait pas en équipe de 4 ou 6 minimum autour d’une table. Au grand dam d’associations, groupes et créateurs très motivés et motivants.
Une trentaine de joueurs par journée d’exposition pour des jeux d’ailleurs prometteurs, déjà réputés être de futures pépites : voilà ce qui attendait certains développeurs indépendants. Les studios indépendants ne sont pas là pour combler les allées vides et les salons de jeu vidéo semblent de moins en moins conscients de cela. La PAX a pour ADN de proposer de l’indépendant pour faire découvrir de nouvelles choses : ici, les indépendants n’étaient jamais mis en avant et tout se jouait sur l’eSport, les compétitions, en dépit de tout le reste.
Quelle tristesse de voir du live de jeux indés retransmis par Le Club des Sacs au public composé d’une ou deux personnes (heureusement, leur audience sur Twitch était plus intéressante) . De découvrir que de géniaux créateurs de dés de jeu de rôle sont venus d’Australie juste pour tenter de vendre leurs créations et de les voir s’ennuyer en espérant vainement voir des gens s’intéresser à leur travail. Le samedi, c’était ainsi pour chaque stand, chaque manifestation, chaque endroit de cette « PAX à la française » qui n’en a que le logo.
On a clairement hésité à revenir le lendemain, tant le Samedi fut effroyable de tristesse. Nous sommes principalement revenus pour les conférences, pratiquement toutes très réussies avec une mention spéciale pour celle sur l’évolution de la Presse JV et le magnifique hommage aux 30 ans de la PC Engine. Mais pour en profiter, il fallait tout d’abord en trouver le lieu, le chemin, et espérer ne pas tomber sur un changement d’heure impromptu (programme et panneau à l’entrée n’étaient d’ailleurs pas d’accord sur les horaires). Et tout cela n’est pas grave si c’est indiqué et signalé : un speaker qui annonce un changement d’heure par-ci, une petite pancarte informative par-là… Mais rien n’est fait.





En sortie de conférence sur la PC Engine, on se retrouve devant un monde assez important dans un amphithéâtre blindé. Les tournois et l’eSport font leur effet ! Ça y’est ? Cela aura tardivement pris mais le salon se serait-il réveillé et les gens sont-ils finalement au rendez-vous ? On s’est emballés, on a commencé à vouloir danser en place publique pour fêter cet événement… Mais c’était sans la découverte d’un hall principal par conséquent encore plus vide que la normale. Des bornes totalement désertes, des développeurs désespérés qui matent leurs fils twitter assis sur l’une des nombreuses chaises vides de leurs stands, en tentant un dernier tweet donnant peut-être envie à quelques rares indécis de venir s’engouffrer dans ce salon si prometteur sur le papier.
La colère est sur la plupart des regards de créateurs venus défendre leurs projets. Puis vient le dépit, empreint d’une vraie sensation de gâchis. Cet événement avait tout pour lui : un nom, une vocation, un créneau idéal, une formule originelle qui donne envie, mais tout s’est mal goupillé. On pourra mille fois nous sortir l’excuse du week-end ensoleillé ou de la sortie de God of War 4 comme on vous place l’alignement des astres quand on n’assume pas son échec… Mais cette PLAY Paris Powered by PAX s’est montré constamment incapable de parler à son public, de l’attirer et surtout, de soutenir ses acteurs.
Pourtant, malgré ce très long flot de mécontentement et d’incompréhension vis-à-vis de l’organisation globale, face à tout ce qui nous a semblé extrêmement triste et décevant… on veut encore soutenir l’existence de ce salon. L’emplacement, l’idée, les conférences, les invités, le mélange de toutes les façons de jouer et s’amuser, la rencontre entre vieilles et nouvelles technologies, etc. Au sein de tout ce qui était rageant et frustrant se révélaient de petites étincelles d’un concept qui ne demandait qu’une chose : du temps pour mûrir avant de faire feu. Du temps qu’on ne lui a pas donné, l’ayant précipité vers son échec.
Preuve en est la flopée de bons papiers qui sortiront (ou sont déjà sortis lorsque vous lisez ces lignes) à propos du salon : les visiteurs ont forcément adoré s‘y trouver. Ils avaient le champ libre, les allées vides, personne ne se bousculait et les nombreuses attractions, bornes d’arcade et jeux à découvrir étaient à portée sans aucune file d’attente. Pour eux, ce fut sans doute le bonheur, loin de l’horreur de foule qu’est la Paris Games Week, avec un côté « à l’arrache » qu’il est toujours plaisant de défendre quand on est du côté de celui qui découvre l’événement.
Paradoxalement, tout ce que nous avons trouvé vraiment raté n’est pas vraiment pertinent pour le visiteur lambda et participerait même à lui amener des points positifs à ajouter à sa liste. Les indépendants n’avaient personne pour jouer à leur jeu ? Chaque nouveau joueur avait les devs de disponibles juste pour lui. Les conférences étaient mal signalées et peu peuplées ? Elles gagnaient alors en convivialité avec le public. Les concours n’avaient pas beaucoup de participants ? Pas grave, cela fait plus de chance pour soi ! Comble de bonheur, les invités étaient du coup hyper accessibles.
Vu comme ça, comment s’en plaindre ?
Blindé de défauts, souffrant d’une véritable absence de public, mal communiqué et expliqué, sans aucun doute trop cher à 21 € l’entrée du samedi (pour 17 € le dimanche), PLAY Paris Powered by PAX nous a surtout semblé être un événement se reposant vulgairement sur sa « marque ». Beaucoup trop sûr de lui, se posant comme un grand ayant fait ses preuves alors qu’il sort tout juste du bac à sable, ce salon a raté le coche de l’apprentissage et de l’évolution tranquille pour tout de suite mettre le paquet sur tous les fronts en se vautrant dans l’incompréhension des différents domaines qu’il souhaitait représenter. Marchant avec trop d’assurance, petit salon s’est vautré et personne ne souhaite s’en moquer aujourd’hui. S’il le veut, on peut même venir lui tenir la main pour se relever et espérer qu’il apprenne de ses erreurs grossières. Un bon reboot et ça repart ? On ne souhaite qu’une chose : que les trop rares mais solides moments passés à cette PLAY Paris Powered by PAX soient les ingrédients principaux de la session 2019, si tant est qu’il y en ait une. Parce que oui, plus que jamais, nous voulons vraiment d’une PAX en France. Une vraie.






