Projection Française pour Indie Game : The Movie
C’est dans le cadre de l’exposition/parcours « Joue le jeu » organisé à la Gaîté Lyrique à Paris que nous avons pu assister à une projection d’ Indie Game : The Movie . Financé via Kickstarter, ce film était très attendu par la communauté indépendante. Avec en bonus de luxe, la présence de Phil Fish : le créateur de FEZ . Avant-première ratée, mais séance de qualité !
Avant-première, disait le site internet de la Gaîté Lyrique. C’était sans doute sans savoir que la tournée des cinémas américains s’arrêtait et qu’une date de sortie était fixée que les têtes pensantes de la Gaïté Lyrique ont prévu la diffusion de ce film dans notre capitale. Pas grave ? Pas mal d’invités se sont décommandés, même si la venue de Phil Fish apportait un plus à l’événement. Le monsieur entre sur scène, dit bonjour, nous souhaite un bon film. Nous nous rappelons de ces déboires sur Twitter, de la horde de gens qui ne l’aiment apparemment pas. On en fait fi, on se plonge dans la séance un poil mal maitrisée d’un point de vue sonore, mais qui se lance sur des airs d’un Jim Guthrie très inspiré. Ça y’est, ça commence : les jeux indépendants sont sur le devant de la scène… Enfin, pas vraiment.
Plus que les jeux, ce sont les créateurs qui nous sont montrés. Tout commence plutôt bien avec une séquence de déprime devant un Xbox Live Arcade vide d’un Super Meat Boy pourtant prévu de longue date : son cocréateur, Tommy Refenes, s’énerve sur sa manette et insulte Microsoft. On a l’habitude de ce genre de scène, c’est une bonne façon de montrer dès le début que la vie d’indépendant n’est pas rose, alors pourquoi pas. Sauf que cette scène particulièrement dramatique au demeurant va sensiblement faire chavirer le film vers un manque d’objectivité constant de la part des réalisateurs (Lisanne Pajot et James Swirsky) pourtant plutôt talentueux. Car au lieu de nous raconter les péripéties de plusieurs indépendants, ils ne vont en suivre que trois/quatre : Tommy Refenes et Edmund McMillen de Super Meat Boy (à 50%) , Phil Fish de FEZ (à 40%) et Jonathan Blow (à seulement 10% des scènes, dirons nous) . On le sait : les réalisateurs ont un tas de rushs avec une poignée d’autres développeurs indépendants. Mais ces trois jeux sont créés par des gens bien particuliers : ils ont des névroses, des failles si énormes et si importantes dans leur vie de tous les jours, qu’elles prennent le pas sur leur créativité. L’explication de l’existence de Super Meat Boy (que je vous laisse découvrir) , l’air pas si jovial de Tommy Refenes lorsque son jeu trouve le succès, les pensées très (trop ?
) précises de Jonathan Blow et l’énervement constant de Phil Fish les rendent pratiquement antipathiques pendant la moitié du film. Puis viens les moments de bonheur (les réussites, les petites blagues bien placées dans les interviews) , la nostalgie avec les chambres d’enfants et la sortie des vieux ordinateurs pour nous montrer d’anciens projets plein d’innocence, le combat contre le « gros méchant Microsoft » (même si au-delà de la caricature, ce problème est réel si tant est qu’on ne puisse citer que cette seule entreprise) … D’accord, on a compris, le montage fait tout le documentaire. Dommage. Le film est passionnant. Touchant. Réaliste puisque malgré son montage constant, il laisse des hommes se livrer librement et sans mélodrame trop forcé (leurs blessures sont réelles et font effectivement complètement partie de leurs créations) mais malheureusement, ceux-ci prennent totalement la place des jeux cités et le titre du film devient totalement mensonger . On ne parle pas de jeux, mais de développeurs. On ne parle pas de création, mais d’échappatoires.
A vouloir rendre le film humain, on tombe dans le larmoyant (qui fonctionne, certes) et donc dans le manque de vérité. Le grand public appréciera, les amateurs du genre vont adorer, le film en lui-même est particulièrement passionnant à suivre tant il est fort en anecdotes intéressantes et en personnages très particuliers, mais bien des développeurs indépendants vont trouver ça beaucoup trop édulcoré et monté « d’une certaine façon » pour trouver cela crédible. Indie Game : The Movie est sympathique, mais n’est pas un grand film. Il se regarde avec bonheur, les développeurs présentés sont passionnants (même si Jonathan Blow passe pour l’intello de service, un peu hautain et beaucoup trop coincé dans son idée très particulière du monde indépendant) , mais il est clairement bancal et hors-sujet. Passez outre le titre pour l’apprécier pleinement et surtout, ne vous attendez pas à avoir une leçon de création de la part de ses protagonistes. Ce que vous aurez avant tout, c’est le classique refrain du : « fais ton jeu avec tes tripes ». C’est un beau message, mais il manque bien d’autres sujets autour de celui-ci pour en faire un film complet. Un film à voir ?
Totalement ! Mais il est beaucoup trop passionné pour être objectif. C’est sa principale faiblesse et cela l’empêche clairement de résonner aussi fort qu’on l’aurait souhaité.
Quel personnage… Cet homme détesté depuis ces nombreux heurts avec les joueurs, sur Twitter principalement, est montré dans le film comme un colérique impulsif complètement égocentrique et un brin fou lorsqu’on lui demande de dire réellement ce qu’il pense lors des pires situations. Il déteste les jeux japonais, il déteste le PC et la souris (il nous l’a dit avec beaucoup d’arguments plus que discutables, mais avec une gouaille telle qu’on ne peut s’empêcher de l’écouter) et si vous n’aimez pas son jeu ? Allez vous faire… Vous connaissez la suite. Alors forcément ça ne plait pas. Sauf qu’en « vrai », en tous les cas dans ce « Questions/Réponses » particulièrement détendu et presque improvisé qui s’est déroulé juste après la projection, Phil Fish est un homme totalement différent. Il est d’une gentillesse incroyable, d’une grande écoute, n’hésite pas à blaguer, à avoir le bon mot au bon moment. Il transpire la passion, la créativité et l’empathie est au rendez-vous. Il nous l’a dit lui même « Ce que vous voyez dans le film, c’est ma pire semaine en condensé ».
Ce qui est un problème par ailleurs, car au final, les réalisateurs ont rendu cet homme très antipathique dans l’heure et demie de film proposée. Objectif raté. Les questions sont posées et le (très bon) public, un peu timide, est par contre clairement orienté vers la blague, l’envie de le faire rire, tout en l’emmenant vers des sujets intelligents. La création de FEZ (recommencé trois fois ! ), la rencontre avec les réalisateurs, les sujets les plus importants y passeront… Un pur moment de plaisir. Mais pourquoi fait-il ces tweets pleins d’insultes ? Pourquoi passe t’il pour un tel égocentrique sur la toile ? Il s’y prend mal, ne sais pas y mettre les formes quand il écrit ou, peut-être, est-il tellement passionné par ce qu’il fait qu’il en oublie d’être poli et courtois dès qu’on touche à son bébé.
C’est un défaut, mais est-ce vraiment quelque chose de critiquable quand on y repense ? Reste que je m’attendais à voir le pire des égocentriques et que finalement, j’ai surtout vu un homme d’une simplicité telle qu’il a réellement sublimé cette projection pourtant pleine de hauts, mais aussi de bas. Un bon complément au film, peut-être le meilleur. Impossible pour moi de vous « forcer » à aimer le monsieur, d’autant plus que cela n’aurait aucun intérêt au final. On parle de création, on parle de jeu, on parle de FEZ. Car quoi que dise l’artiste, il n’en restera que l’oeuvre et c’est bien sur cette même oeuvre qu’on le jugera sur la pérennité. L’homme, lui, ne demande qu’à être apprécié… Ce soir là, il le fut pour ma part et pour pas mal des développeurs indépendants et autres étudiants en Game Design qui ont donné leur avis sur le monsieur, ensuite. Il ne sera pas venu pour rien !
Ce sont nos amis de PlayItLive qui nous ont proposé cette sortie et sincèrement, nous en sommes tombés amoureux. Quoi de mieux, après une telle soirée, que de se retrouver dans un espace purement passionné et Geek ? Loin du jeu indépendant, le Dernier Bar avant la Fin du Monde est surtout du genre à passer des génériques dessin animé et des OST de films des années 80 à fond dans la salle, pendant qu’ils servent des cocktails « Proton Pack » (une vraie merveille) ou « Holy Grail » à leurs convives. Une bibliothèque au style Lovecraftien/Steampunk, des étagères envahies de figurines de jeu vidéo japonais, des références de films/séries et autres geekeries partout sur la carte et dans le décor du bar, un Kermit entre deux bouteilles ou un « Chef Cuisinier » des Muppets au fond de la salle : voilà ce qui vous y attend. Pour le Nancéen que je suis, les cocktails semblaient dans la moyenne de prix habituelle (entre 8 et 12 €) mais nul doute que les Parisiens s’en feront un autre avis. Le pourboire ? « À chaque fois que vous en donnez un, vous sauvez un Stark ». Qui ne tomberait pas amoureux ?
Les serveurs sont très aimables (en même temps le bar était plein, nous étions un samedi soir, difficile de faire la tête je l’avoue) et pour un bar qui vient tout juste d’ouvrir, c’est on ne peut plus convaincant. Bref, personnellement, je sais où aller à chaque fois que je ferais un petit séjour à Paris. N’hésitez donc pas à y passer pour vous en faire un avis : peut-être deviendrez-vous rapidement un habitué. Les Parisiens, ces chanceux…
* L’équipe tient à remercier les copains de PlayItLive. fr qui nous ont permis d’utiliser leurs photos de la soirée, tous les lecteurs/développeurs/étudiants/confrères, toute l’équipe de la Gaïté Lyrique, Trapdoor et Phil Fish. Désolé si on en oublie !




